Bergamo – Volos

Mercredi 20 août

Ce matin, le réveil nous a surpris en plein sommeil. 7 heures et demie, mais encore le sourire aux lèvres. Un petit-déjeuner de rois nous attendait, dans une salle vide et belle, habitée par la voix d’une Isolde chantant le Liebestod du Tristan et Isolde de Wagner.

Nous avons mangé en silence, goûtant la musique, une figue à peine cueillie, un pruneau mûr, une génoise typique des petits-déjeunes italiens, un espresso parfait.

Nous sommes sortis de l’hôtel peu avant 9h sous une pluie d’automne, les ruelles de la Citta Alta encore désertes. Nous avons profité des avants-toits pour nous abriter, et depuis le bus, la ville basse  semblait noyée dans la brume, comme si nous avions déjà changé de saison.

Depuis l’avion, la mer. Bleue, bleue, bleue, une immensité chatoyante qui est apparue au sortir des nuages, dans le soleil de la Grèce qui approchait, déjà dans nos cœurs, bientôt présente car la langue des annonces à changé, passant de l’italien au grec. En sortant de l’avion, une vraie, une bonne chaleur nous a inondés, une odeur de champs d’été, d’herbes baignées de soleil, un vent chaud, doux sur la peau, quel bonheur !

J’ai acheté deux billets de bus pour Volos, en grec, comme si les 11 mois depuis notre départ l’année passée s’étaient réduits à 2 jours. A la gare des bus, j’ai bu ma première Portokalada –  délicieuse orangeade, fraîche et désaltérante, fabriquée à Volos même. Nous avons marché jusqu’à l’hôtel dans la chaleur étouffante, l’odeur du port, la même que celle du Vieux-Port de Marseille, le long des quais où se balançaient des petites barques de pêche de toutes les couleurs.

L’hôtel est affreux, il a quelques chambres sur le port, mais la notre donne sur la rue arrière. Qu’importe ! Nous avons enfilé des habits plus légers et nous sommes allés flâner dans Volos déserté pour trouver une glace italienne, bien coulante, à lécher en rentrant à l’hôtel le long du port, entre les restaurants encore vides.

Quand nous sommes sortis à nouveau, après avoir dormi, le soleil se couchait, il faisait toujours chaud, les quais commençaient à s’animer, et nous nous sommes dirigés vers notre Ouzeri préférée, quelques tables de bois dans une rue piétonne et cycliste. Les chaises sont en paille, les nappes en papier, les mets fins et goûteux, servis sur de modestes assiettes rondes ou ovales.

Pour peu qu’on commande du tsipporo, on peut se laisser surprendre car chaque petite bouteille de cet alcool local, fort et légèrement anisé, est accompagnée d’une assiette de mézés – spécialités toutes plus délicieuses les unes que les autres. Ce soir, Armand en a demandé trois, je l’ai aidé de quelques minuscules gorgées qui me sont montées à la tête tout de suite. Outre notre commande traditionnelle de poulpe, poisson et Kritama, une plante qui pousse sur les rochers qui plongent dans la mer, nous avons eu droit à une assiette de grandes crevettes sur un lit de laitue chaude et croquante, des moules d’une douceur infinie et des beignets de courgettes avec du tzatziki, yoghurt à l’ail et au concombre. Armand était entre les larmes et le sourire, comme souvent quand il est heureux.

Le patron, le même aussi loin que je me souvienne – cela fait des années que nous mangeons ici chaque fois que nous sommes à Volos – nous a reconnus avec un grand sourire. Armand a aussi  commandé du Pasterma, spécialité arménienne de viande de boeuf séchée qui ressemble à celle des grisons mais assaisonnée au fenugrec – du Pasterma sans rien d’autre. Le patron l’a regardé, mi-intrigué mi amusé, et lui a demandé : mais d’où tu viens ? Je suis aménien. Il a souri encore, et a dit, moi je suis de Cappadoce, comment tu t’appelles ? Arapian – moi c’est Abraham… A midi, ce sont toujours des femmes qui sont aux cuisines et au service, il y a une ambiance joyeuse et énergique, des rires, la musique est belle. Ce soir c’était au tour des hommes, plus discrets, mais avec la même musique, cette musique du monde d’hier, nostalgique et vivante. Comme c’est la semaine, il y avait peu de monde, et puis c’était tôt – nous sommes repartis vers 10h – le patron et le garçon se sont assis dehors, appuyés sur le mur en pierre du restaurant, buvant un Coca et un café frappé pendant que la braise, à l’intérieur, réchauffait les pommes de terre emballées de papier alu.

Quand nous avons voulu payer, le garçon s’est élancé pour demander de nous rasseoir. Il a amené l’addition avec une assiette de pastèque offerte et un grand sourire.

Pendant tout le repas, un jeune chat grec, maigre et malin, a essayé de nous voler un morceau, il guettait tous nos gestes, dans l’espoir de quelques miettes, un os, une tête de poisson. Malheureusement pour lui, Armand mange même les têtes des poissons et des crevettes, mais heureusement pour lui, c’est une mère à chat, et il a eu droit à quelques uns des meilleurs bouts, quand même.  Nous sommes repartis heureux en direction du port, dans la nuit douce d’été, sans nous presser.

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