Ce matin, après une nuit chaude comme en été pendant laquelle un simple drap suffit, je suis descendue à la plage. J’ai mis un maillot, une robe légère comme une plume, mon chapeau de paille, les lunettes de soleil roses et une petite serviette sur les épaules – le soleil tapait fort. D’habitude, je descends en chaussures fermées, pour me protéger des éventuels serpents et araignées, des ronces et des chardons. Là, j’étais en flaps, pour profiter une dernière fois du soleil jusque sur mes doigts de pieds, dans ce matin beau comme en plein août. Je faisais attention où je mettais mes pieds, et du coup, regardant moins le paysage, ce sont les parfums de la colline qui se sont imposés : odeur ronde de la route chaude, fine et sucrée des arbres en fleurs, fraîche dans les coins ombragés, plus épicée dans la garrigue au soleil…

La plage était déserte. La mer immobile, ou presque. Le bord de l’eau était turquoise clair, comme on s’imagine un lagon. J’ai flâné dans les vaguelettes, marché dans l’eau jusqu’aux hanches, les mains posées sur la mer. Au-dessus du sable, toujours ce turquoise d’aigue-marine qui me remplit d’allégresse, au-dessus des pierres, la mer violette…

Et je pensais à la solitude délicieuse de ces matins à la plage. Délicieuse parce que choisie, et éphémère. Et puis j’ai pensé à mes enfants, mon père, ma mère, mes amies, et à la joie de les revoir – même si pour cela, il faut quitter cette douceur de vivre, ce rapport à la nature immédiat, dès le réveil, et la beauté de la mer, tous les jours différente.

Beaucoup sont, comme moi, à la recherche d’un rythme d’existence différent, où il y aurait plus de place pour des pauses créatrices, plus de concessions à nos besoins intérieurs, et qui nous permettrait d’établir des rapports nouveaux et plus vivants avec nous-mêmes et avec les autres. […] Ce qu’on apprend d’abord sur la plage, c’est l’art de déposer le superflu.  Anne Morrow Lindbergh, Solitude face à la mer, 1955.