Quand les enfants étaient petits, nous faisions toujours le trajet Bevaix-Potistika en voiture et en bateau. Nous prenions le ferry à Ancône, après deux jours de voyage, deux campings et des pics-niques dans les stations-services ou bien au bord d’une petite route de traverse, la visite de la maison de Verdi ou d’une église italienne, et beaucoup de musique dans la voiture : Bratsch, Sotiria Bellou, Tsitsanis, Dalaras, Parios… J’oublie l’année de la liturgie arménienne qui a scandalisé les enfants presque ados qui, du coup, écoutaient leur propre musique, des écouteurs dans les oreilles. Nous dormions sur le pont, puis arrivés en Grèce nous nous arrêtions à Kalambaka, cet endroit bizarre où de haut rochers nus surgissent de terre, les Météores, dans lesquels des moines ont construits des monastères haut perchés, auxquels on accède en nacelle, suspendue au-dessus du vide…
A Ancône, j’ai toujours compté les innombrables églises qu’on voit depuis le ferry. Le bateau est tellement haut qu’on voit au-delà du port, accrochés aux collines environnantes, les clochers, château d’eau, coupoles qui se détachent sur le ciel tellement bleu, toujours bleu d’Ancône. Je ne me souviens pas d’avoir jamais pris le bateau par mauvais temps en Italie. En Grèce, oui. En Italie, jamais.
Cette année, nous avons pris à nouveau une cabine, luxe suprême. Les vieux comme nous sur le pont, les yeux bouffis par le vent, les cheveux gris en bataille le matin, ce n’est pas très sexy. Mais il me reste la nostalgie des nuits blanches sur le pont, les enfants endormis et Armand aussi, les lumières qui clignotent sur la côte, la fraîcheur de l’air, l’odeur de la mer, le jour qui se lève, le sac de couchage salé et humide au petit matin…
A l’époque, il fallait deux jours pour arriver en « Grèce ». La route serpentait sur le Katare, le col culminait à près de 2000m. On grimpait, grimpait, à travers ce paysage sauvage, puis la route redescendait sur Ioannina et son lac, où nous mangions. Puis nous campions à Kalambaka et le soir, nous mangions exceptionnellement au restaurant. Maintenant, il y a l’autoroute sur presque tout le trajet, et il faut à peine plus de quatre heures pour arriver à Volos. Du coup, nous mangeons à Kalambaka, nous en profitons pour découvrir Metsovo et puis nous arrivons le soir à Volos, fatigués mais heureux. Encore une heure de virages, et nous sommes chez nous.