La vieille route

La première fois qu’Armand m’a emmenée en Grèce, c’était en mai 1983.

A l’époque, une seule route descendait vers le côté ouest de Potistika. On ne pouvait pas passer d’un côté à l’autre de la plage en voiture. Au bord des routes, on croisait plus souvent une paysanne sur son âne ou sa mule, un troupeau de chèvres ou de moutons qu’une autre voiture. L’électricité, l’eau courante, le téléphone? Rien de tout ça! Pas de poteaux électriques, de lignes de téléphone, rien ne coupait le paysage magnifique qui se révélait à mes yeux lorsque nous avons pris, la première fois pour moi, la vieille route qui serpentait vers la mer, bordée de broussailles, route en terre, ancienne, qui descendait tout d’abord vers une source, pour remonter ensuite la colline, et dévoiler soudain la mer à travers les champs d’oliviers. Dans la Renault 18 blanche, pas de silence recueilli, mais la Messa da Requiem de Verdi à plein volume, avec les idoles d’Armand: Mirella Freni et Nicolai Ghiaurov.

De temps en temps, je reprends cette vieille route et je me souviens de chaque pierre, des descentes et des montées, et j’entends encore le Requiem, ou Aïda, que nous avons écouté pendant tout ce été, avec toujours Ghiaurov, et puis Cossotto, Caballé et Cappuccilli, voix somptueuses que je découvrais alors, renversée de tant de beauté.

 

 

 

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